C’est une évidence, notre rapport au travail s’est profondément transformé.
Quelque chose s’est fissuré.
Du côté socio-économique, les explications se superposent : effet résiduel du Covid, fatigue intergénérationnelle observée, et aussi un contexte saturé de mauvaises nouvelles (géopolitiques, environnementales, violences sociales) qui poussent beaucoup d’entre nous à une question : “à quoi sert ce que je fais et à quel prix ?”
Ouvrez TikTok, Instagram ou Facebook, scrollez le soir et fermez l’application : un sentiment de vide ou de trop-plein s’installe.
Du côté RH, le constat est assez complémentaire : les équipes sont de retour physiquement, mais pas mentalement. De retour au travail, mais à bout de souffle.
Résultat, une partie décroche mentalement, une autre sort du marché du travail.
Et si ce n’était pas une fragilité individuelle, mais une expérience de travail ?
Pour Hans De Witte, professeur émérite en psychologie du travail à la KU Leuven, le burn-out est essentiellement provoqué par le travail et concerne l’expérience du travail.
La principale raison de l’apparition du burn-out réside dans le travail effectué et les caractéristiques de ce travail.
Découvrons ensemble ces cultures d’entreprise qui font mal.
Le vrai sujet : la charge émotionnelle
Sur le terrain, ce que nous observons, c’est rarement un seul facteur qui crée des climats de travail nocifs : c’est une combinaison de sens, d’inclusion et de sécurité psychologique.
Ces phénomènes sont interconnectés et produisent des souffrances. Véritable angle mort de notre vision du travail.
L’engagement au travail est toujours évalué à travers une grille transactionnelle : salaire, avantages extra-légaux, flexibilité d’horaire, télétravail, formation et opportunités de croissance. Tout cela compte, mais ce n’est plus suffisant pour une rétention solide.
Aujourd’hui, beaucoup cherchent du sens. Dès lors, travailler pour une organisation contraire à nos valeurs active ce que l’on appelle la souffrance éthique. Une fatigue morale intense qui mène insidieusement à se désengager. Un autre phénomène amène son lot d’épuisement : les bullshit jobs, ces fonctions à faible valeur sociale, déconnectées de la réalité.
Et, ce n’est pas un ressenti isolé, 15% des Belges disent se sentir souvent/toujours “émotionnellement vidés par leur travail”.
Quand l’organisation épuise, les talents se protègent
Dans une scale-up bruxelloise que j’accompagne, le turnover a atteint 43 % en 2025 : presque une personne sur deux a quitté l’organisation sur 12 mois. Lors de l’enquête interne, deux éléments ressortent comme particulièrement fragiles : l’inclusion et la sécurité psychologique.
La première répond à l’interrogation : “Suis-je respecté·e, légitime, et traité·e équitablement ici ? Puis-je contribuer sans devoir me transformer ou me cacher ?” et la seconde répond à l’épineuse question : Puis-je parler, poser une question, signaler un problème ou dire que je ne vais pas bien… sans être puni·e, ridiculisé·e ou exclu·e ?
Les personnes en souffrance éthique, coincées dans un “bullshit job”, ou évoluant dans une organisation où l’inclusion et la sécurité psychologique sont faibles, ne quittent pas du jour au lendemain. Elles mettent d’abord en place des mécanismes de protection : elles se retirent, se taisent, deviennent cyniques, font le minimum pour tenir.
Puis apparaissent les signaux : baisse de qualité, erreurs, irritabilité, émotions plus difficiles à contenir, et absences de plus en plus fréquentes.
Et lorsque rien ne change, la protection devient une sortie : l’absence s’allonge… ou c’est le départ.
Chez Equal&UP, on le mesure et on le travaille comme un système : sens, sécurité, justice pour retenir les talents
Nous l’avons compris, ajuster les salaires, ajouter des babyfoots dans le bureau et organiser davantage d’afterworks, ça ne compense pas un climat qui abîme.
Ce qui use, c’est la charge émotionnelle liée à un climat de travail flou, perçu comme injuste ou insécurisant.
Quelles clés pour changer la situation ?
1er réflexe-clé pour un.e dirigeant.e d’entreprise : faites-vous accompagner par un service RH interne ou externe. Si le problème est plus large et concerne par exemple plusieurs départements ou ne semble pas s’améliorer d’année en année, des experts en inclusion & bien-être au travail peuvent vous aider.
Voici quelques leviers que nous aimons particulièrement chez Equal&UP, testés et approuvés par nos clients.
- Redonner du sens
Ça commence souvent par ici, mais ce n’est pas le plus aisé !
Clarifier le “pourquoi ”des jobs, reconnecter le travail à son impact en instaurant des objectifs (max 3 par trimestre) et en les monitorant régulièrement, arrêter les injonctions contradictoires (ex : de la top qualité pour hier) - Créer de la sécurité
Permettre la parole, normaliser les questions et le désaccord, traiter les microagressions avant qu’elles ne deviennent une culture.
Une boite à question anonyme, des rendez-vous trimestrielles qui donnent la parole aux équipes grâce à des formulaires anonymes sont de simples rituels avec de grands impacts. - Restaurer la justice
Rendre les règles du jeu lisibles (décisions, opportunités), c’est expliquer les critères, réduire les inégalités invisibles du quotidien
Au fond, l’inclusion n’est pas une “valeur” affichée : c’est une expérience vécue qui protège la santé mentale et nourrit l’engagement.
Quand le climat est juste et sécure, l’énergie revient à la contribution. Quand il ne l’est pas, elle part en protection… puis au départ.
La question est simple : votre organisation donne-t-elle de l’énergie à vos talents ou est-ce qu’elle leur en prend ?
Ferdaous LAHRICHI, fondatrice d’Equal&UP - Inclusion & Diversity
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