Le plan Draghi le souligne : une reconnaissance harmonisée des compétences à travers l’Europe est facteur de compétitivité. Reste à passer à l’action…
Un an après sa publication, beaucoup ont commenté ces dernières semaines la difficulté qu’éprouvent les autorités européennes à mettre en œuvre les préconisations du plan Draghi. Destiné à relancer la compétitivité du vieux continent, celui-ci recèle une centaine de recommandations dans un grand nombre de domaines, de l’innovation à la fiscalité, en passant par la politique énergétique ou l’investissement.
Mobilité des talents
On y trouve aussi un important chapitre sur la gestion des compétences en Europe. Celui-ci pointe pour commencer la pénurie de candidat·es – qui ne s’observe donc pas qu’en Belgique – à la fois dans des métiers très pointus ou peu qualifiés. En moyenne, 54 % des entreprises européennes, toutes tailles confondues, considèrent d’ailleurs la pénurie de compétences comme l'un des problèmes les plus urgents.
De fait, un récent rapport de la Banque Européenne d’Investissement établit que, tout autant que les coûts élevés de l'énergie, l'incapacité à recruter une main-d'œuvre suffisamment qualifiée freine les entreprises dans leur élan. « Améliorer l'offre de compétences parmi la main-d'œuvre pourrait débloquer l'investissement à long terme et contribuer à promouvoir la compétitivité globale de l'UE », insiste le rapport.
Pour assumer cette ambition, il est urgent de relever les niveaux d’éducation et de formation à travers l’UE, d’augmenter les taux d’emplois. Mais aussi de favoriser une plus grande mobilité de travailleur·ses, en leur permettant de s'installer aisément dans des régions où leurs compétences sont les plus recherchées par les entreprises. Même si des barrières de langues et de culture subsisteront toujours à travers l’Europe, l’idée est d’assurer une fluidité plus proche de celle que l’on trouve aux Etats-Unis, où il est courant de changer d’Etat au gré des évolutions de carrière.
Reconnaissance sans frontières
Le défi pose aussi la question de la reconnaissance des qualifications professionnelles et académiques à travers l’Union européenne. La directive européenne 2005/36/CE instigue un tel système. Sa transposition en droit belge prévoit, pour une série de professions réglementées, une reconnaissance automatique ou un traitement des demandes suivant des délais spécifiques et des critères standards. C’est notamment le cas de plusieurs professions médicales et des architectes. La loi belge prévoit encore la reconnaissance de certains métiers, notamment, du secteur des transports, des intermédiaires d’assurance, des agents immobiliers, des enseignant·es, des expert·es-comptables ou des auditeur·rices.
En dehors de ces professions, nul n’a besoin, en principe, d’une telle reconnaissance ou d’une équivalence de diplôme pour évoluer dans le secteur privé. Dans plusieurs cas toutefois, l’accès à emploi pour une personne ayant étudié à l’étranger passera par l’équivalence du diplôme. Cette équivalence est aussi obligatoire pour toute profession dans le secteur public ou les institutions subsidiées par les pouvoirs publics. Elle permet de déterminer la valeur des études suivies à l’étranger en les comparant aux études similaires en Belgique.
Au-delà des reconnaissances administratives, le rapport Draghi préconise aujourd’hui de nouveaux efforts. En particulier une harmonisation des processus de certification afin de rendre les parcours de formation et de validation des compétences compréhensibles et reconnus dans toute l’UE. Cela pourrait se faire, par exemple, via des micro-certifications et badges numériques. Les expert·es prônent aussi une valorisation accrue des filières techniques et professionnelles européennes par des dispositifs spécifiques de reconnaissance et de formation modulaire.
Réparatrices de vélos, cueilleurs de champignons
Le message du rapport Draghi semble avoir été reçu par la Commission Européenne. Au mois de mai passé, son Vice-Président Stéphane Séjourné annonçait ainsi, entre autres mesures destinées à renforcer le marché intérieur, vouloir faciliter la mobilité des compétences. Car les barrières sont encore trop nombreuses en Europe. Ainsi, en Belgique, la réparation de vélo reste une profession réglementée. Idem pour la cueillette de champignons en Pologne. « L’Allemagne, où un tiers des professions sont réglementées, est la championne en la matière », déclarait M. Séjourné, cité par nos confrères du Monde. La Commission souhaite ainsi faciliter la reconnaissance des qualifications entre Etats membres dans les mois à venir.
Ressortissant·es hors UE ?
Qu’en est-il de ceux et celles qui ont été diplômé·es en dehors de l’UE ? Alex Singirankabo est coordinateur de projet au sein de Convivial, une association qui accompagne les réfugié·es et primo-arrivant·es dans leurs intégration sociale et professionnelle en Belgique. Chaque année, l’association épaule près de 300 d’entre-eux et elles dans leurs démarches. « Pour un ressortissant hors UE, un diplôme obtenu dans l’UE assorti d’une expérience professionnelle probante de deux ans peut valoir reconnaissance automatique du diplôme. Mais en dehors de ces cas exceptionnels, l’équivalence nécessitera l’introduction d’un dossier », explique-t-il.
A Bruxelles, la reconnaissance des professions réglementées relevant de la Commission communautaire commune (COCOM) se fait directement auprès de cet organisme. Le centre ENIC-NARIC de la FWB informe quant à lui sur les démarches à entreprendre. Une nouvelle procédure digitalisée d’équivalence de diplôme de l’enseignement supérieur a récemment raccourci les délais à un ou deux mois. La chose est plus compliquée pour les diplômes du secondaire, précise toutefois Alex Singirankabo.
Il rappelle aussi que l’obtention d’une équivalence peut générer des frais et prendre du temps pour, dans beaucoup de cas, un bénéfice incertain. « Au sein de notre public, l’immense majorité des reconnaissances obtenues sont celles d’un niveau d’étude, mais pas d’un titre particulier. Cela permet de prétendre à des barèmes dans la fonction publique ou d’ouvrir la voie à de nouvelles études. Mais cela n’aide pas forcément à trouver un emploi dans la mesure où les compétences liées à la spécificité du diplôme ne sont, elles, pas reconnues. Il faut donc être sûr que le jeu en vaut la chandelle », résume-t-il. Ainsi, les ateliers de Convivial guident-ils avant tout les bénéficiaires dans la définition d’un projet professionnel solide, bien au-delà d’une validation administrative.
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